Face à la pandémie et aux limitations sanitaires, le secteur du fitness luxembourgeois tente de se réinventer et de rassurer ses clients, en se positionnant comme un partenaire aux côtés des instances sanitaires et sportives nationales.
Touché comme de nombreux commerces par la pandémie, et soumis aux limitations sanitaires restrictives imposées par le ministère des Sports aux clubs et halles sportifs, le secteur du fitness luxembourgeois a perdu la moitié de ses clients, à environ 40.000 aujourd’hui.
Face à cette situation, huit des 13 principaux centres fondent alors la Fédération Luxembourgeoise de Fitness (FLDF) en décembre 2020. Le but est triple : « défendre les intérêts de ses membres ; structurer et coordonner le métier ; et développer une offre de produits et de services qualitatifs adaptée aux besoins des clients ».
Jos Horsmans, responsable chez CK Fitness (4 salles, 55 salariés, 8.500 membres) en est l’un des membres fondateurs.
Jos Hormans, pourquoi avez-vous pris l’initiative de participer à la création de la FLDF ?
Les mesures de restrictions sanitaires et de lockdown devenaient très compliquées voire inacceptables pour notre activité : peu importe la taille de la salle, la loi limitait en effet le nombre de visiteurs à 10 personnes y compris le personnel. Pour CK Fitness et ses quelque 8.500 membres la situation n’était plus viable.
Par contre, les supermarchés ou les grands centres de bricolage pouvaient eux accueillir jusqu’à 2.500 personnes, bien que nos centres gèrent des surfaces identiques.
Actuellement, 1/4 de nos abonnés ne sont pas venus s’entraîner depuis plus d’un an. Ce sont là des résiliations potentielles. Et si ces membres ne reviennent plus, car l’accès aux centres est drastiquement restreint, financièrement ce serait une catastrophe totale.
Nous sommes un commerce et nous vendons de la santé, pour cette raison nous sommes rattachés aux classes moyennes, tout en ayant les restrictions du sport.
Par ailleurs, nous avions l’impression que notre branche était délaissée par les autorités, et passait après toutes les autres. Cela signifiait quelque part que nous devions revoir notre image de marque.
Le fait de regrouper tous les professionnels du secteur en une association nous apportait donc plus de poids auprès des instances ministérielles. Cela nous permettait aussi de mieux communiquer auprès du grand public durant la pandémie. En 15 jours la Fédération était sur pied.
Comment les ministères ont-ils réagi ?
Grâce à la clc, nous avons pu rencontrer le ministère des Classes moyennes, puis celui de la Santé, pour enfin convaincre leur homologue aux Sport d’alléger les restrictions sanitaires des centres de fitness.
Le ministre Lex Delles (Classes moyennes) a vite réagi. Nous avons eu aussi des contacts très intenses avec le Dr Jean-Claude Schmit, le Directeur de la Santé au ministère de la Santé. Nous lui avons montré notre politique sanitaire, qui était plus sévère que ce qu’il proposait.
Il a pu se rendre compte du suivi professionnel dans nos établissements, que nous avions très bien géré la restriction et maintenu la distanciation sociale exigée. Avec nos systèmes de réservation en ligne, nous pouvons réagir rapidement lors de cas Covid, et prévenir immédiatement les membres présents ce jour-là dans la salle avec la personne contaminée.
Le ministère a donc bien compris que nous faisions partie de la solution et non du problème.
La population doit en effet bouger et s’entraîner régulièrement pour renforcer son système immunitaire. Enfermer les gens pendant des mois est tout à fait contre-productif pour la santé.
Depuis des années, nous bougeons de moins en moins. Avant le confinement nous étions assis en moyenne de 6 à 7 heures par jour, depuis, nous passons désormais 8 à 9 heures sur notre siège.
La sarcopénie, c’est à dire la perte de masse musculaire, s’accélère avec l’âge (1% par an dès 25 ans). Par ailleurs, sans activité physique, les muscles se raccourcissent. Durant le lockdown, la perte de masse musculaire et le raccourcissement des muscles se sont aggravés.
Les ministères nous ont donc beaucoup aidé, pour adapter les restrictions à nos besoins et à nos activités, qui diffèrent de ceux d’un club et d’un hall sportifs.
Quelle sera la suite de ces entretiens avec le ministère de la Santé ?
Celui-ci souhaite d’abord attendre que la situation de pandémie se calme et qu’une grande majorité des gens soient vaccinés. Pour notre part, nous devons donc redoubler d’efforts pour communiquer auprès du grand public, qui reste à la maison par peur de la Covid, pour les inciter à sortir les gens de chez eux et à venir s’entraîner régulièrement.
En effet, seuls 15% des résidents luxembourgeois se rendent dans un centre de fitness ; si nous pouvions aussi augmenter ce chiffre de 5 à 6%, cela améliorerait la santé de beaucoup de monde.
Chez CK Fitness, nous avons ainsi débloqué un budget assez important pour communiquer –via les réseaux sociaux et bientôt avec des flyers dans les boîtes aux lettres – sur les bienfaits d’un renforcement musculaire régulier , sur nos services et sur nos processus de sécurité sanitaire.
Maintenant que la Fédération existe, comment comptez-vous positionner le secteur ?
Nous voulons nous positionner comme un partenaire de santé, et participer à des actions ponctuelles médicales et physiques bénéfiques au corps et à l’esprit.
Le ministère de la Santé a créé un groupe de travail nous incluant, pour sensibiliser et motiver les gens aux bienfaits de l’activité physique et à la pratiquer dans un cadre sécurisé garanti par un accompagnement professionnel dédié.
Il faut (pour l’instant) en effet attendre des mois pour obtenir un rendez-vous chez un kiné ou un physiothérapeute, alors que les problèmes rencontrés par les patients proviennent principalement d’un manque de sports en amont.
Une action préventive dans un centre de fitness résoudrait ainsi 80% des problèmes articulaires, musculaires, dorsaux et cardiaques.
Dans nos quatre centres CK Fitness, 6 à 7 collaborateurs spécialisés accompagnent nos membres pendant 240 à 280 heures par semaine.
Nous faisons une analyse des besoins et un suivi de la personne. Nous avons donc là une fonction prophylaxique et proactive.
Le suivi des centres de fitness est avant tout axé sur le physique. Est-il aussi axé sur le psychique et le mental ?
C’est un point-là très important ; de nombreux membres, nous ont rapporté aussi leur besoin de contacts sociaux : pouvoir sortir de chez eux, rencontrer d’autres personnes et leur parler, leur ont fait un très grand bien. Et le fait de bouger correctement les aident encore plus à résoudre leurs soucis mentaux.
Notre commerce vend le plus important au monde : la santé physique… Et donc mentale. C’est ce qui nous motive tous les jours. Car cela fait tellement plaisir de rendre les gens heureux et de travailler ensemble avec eux pour leur santé.
Ce qu’il faut changer et adapter à l’avenir, c’est l’image de notre produit. En insistant sur la qualité de nos services, qui sont avant tout dédiés à la santé et au bien-être, et apportent un renforcement immunitaire et musculaire.
La professionnalisation du secteur passe par le regroupement de ses acteurs en Fédération : Mais aussi par un socle de formation plus technique et médical…
Malheureusement, lancer un centre de fitness aujourd’hui nécessite peu de formalités. Certaines initiatives ont été mises en place il y a quelques mois pour renforcer la formation des personnels des centres, avec un cursus qui sera bientôt lancé au Grand-Duché.
Pour notre part, des professionnels étrangers interviennent régulièrement dans nos salles pour former nos équipes. La plupart viennent d’Allemagne, avec une approche de la santé en avance sur le reste de l’Europe, et des spécialisations notamment en économie ou en gestion de la santé.
En outre, 80% de notre personnel comptent plus de 3 années d’études spécialisées dans notre domaine.
L’Ecole Nationale de l’Education Physique et des Sports (ENEPS) assure les formations des cadres techniques et administratifs pour les différentes formes d’activités sportives. Elle contribue ainsi au développement systématique des compétences dans notre secteur.

(Jos Horsmans, responsable chez CK Fitness)
Qu’attendez-vous de la Fédération pour les prochaines années ?
Un renforcement de la formation continue. Nos équipes doivent se former en permanence, afin d’améliorer la qualité de nos services, comme l’accompagnement et le suivi de nos membres, qui doivent être automatiquement compris dans leur abonnement.
Ensemble avec le ministère de la Santé, nous souhaiterions par ailleurs proposer aux employeurs du pays un concept d’accompagnement de leurs salariés dans une démarche de santé.
Avec moins de collaborateurs stressés, fatigués ou malades, les entreprises et toute la Société seraient gagnantes.
Le secteur pourrait-il bénéficier d’un label de type « Sport et Santé » reconnu par l’État et les autres professions ?
En Allemagne, les clients envoyés par un médecin dans un centre de fitness –dont le personnel et les équipements sont reconnus par le corps médical – sont remboursés par leur caisse de maladie.
Au Luxembourg, nous pourrions nous aussi bénéficier d’un tel statut de prestataire de services de santé à des fins médicales, ce qui serait pour notre secteur un très grand pas vers la reconnaissance de notre profession.
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