Née d’un idéal de gouvernance d’entreprises, la fintech Label-R revoit ses public-cibles et modèle d’affaires, pour mieux sensibiliser le private equity aux produits de fonds et aux processus de gestion éthiques.
Pour Oriane Schoonbroodt, tout est parti d’un constat amer sur les pratiques et la gouvernance des entreprises internationales.
En poste à New York et à Genève auprès de l’ONU, puis au Parlement européen à Bruxelles, elle réalise que, certes, les grands groupes souscrivent haut et fort aux initiatives de développement durables des Nations Unies, comme le UN Global Compact.
Mais la réalité est tout autre, quand il s’agit d’appliquer ces principes sur le terrain.
« J’étais toujours un peu frustrée de voir les entreprises s’aligner sur le papier à des initiatives de gouvernance durable, sans jamais devoir prouver qu’elles les suivent véritablement, » regrette l’ancienne diplomate.
« Nous avons connu des grands groupes avec de gros scandales, qui pour se blanchir signaient les principes de l’UN Global Compact ».
Elle décide alors de développer une certification, qui obligerait ces derniers à respecter leurs engagements, en matière d’éthique et de bonne gouvernance.
Elle s’installe au Luxembourg en 2017 et lance sa start-up Label-R
. Avec comme objectif de développer des méthodologies, qui s’alignent sur les principes en vigueur sur le sujet.
Nous avons connu des grands groupes avec de gros scandales, qui pour se blanchir signaient les principes de l’UN Global Compact.
Dans cette optique, elle met en place des méthodologies intégrées dans une plateforme en ligne, dotée de fonctionnalités d’automatisation des due diligence, de scoring du risque et du reporting.
Changement de cible
L’application aide les clients à se constituer une vue d’ensemble en matière d’ESG, sur toutes leurs pratiques, chaînes de produits et d’activités. Le tout à travers des séries de questionnaires.
« Nous n’avons rien inventé ; nous avons tout simplement pris tout ce qui existait dans ce domaine et nous l’avons transformé en méthodologies de due diligence », explique-t-elle.
Pour vérifier que toutes les questions étaient auditables, à savoir conçues de telle manière que les sociétés auditées puissent apporter la preuve de la réponse, elle fait appel à SGS, une multinationale d’audit non financier basée à Genève.
Elle revoit toutefois sa cible de départ, et adapte le modèle au secteur financier, et plus particulièrement aux métier et produits de private equity.
« S’il existe des ratings pour les fonds publics, il n’y a cependant aucune notation ni aucune société de bonnes pratiques obligeant les asset managers et les fonds privés à adopter les principes d’une bonne gouvernance éthique », justifie Oriane Schoonbroodt.
Pour cette dernière, le private equity reste d’ailleurs un secteur porteur : « C’est un marché qui devrait atteindre 4,9 trilliards de dollars sous gestion en 2023. On prévoit aussi qu’environ 41% des fonds auront des stratégies ESG d’ici deux ans, » précise-t-elle.
Concrètement, la plateforme aidera les gestionnaires à vérifier et valider tous les process de gestion de leurs fonds, de leurs sociétés sous-jacentes ainsi que la chaîne de leurs fournisseurs.
La start-uper teste alors le produit et la plateforme auprès de fonds d’investissements opérant dans les marchés émergents, et plus particulièrement auprès d’institutions spécialisées dans le financement du développement.
Selon elle en effet, ces investisseurs ont déjà des processus de bonne gouvernance bien en place, avec des exigences parmi les plus poussées de l’industrie financière, et des due diligences très développées.
Quand on lance un projet, on a souvent une démarche assez idéologique d’un marché.
« Ces pratiques étant adoptées par de plus en plus de manager de fonds, il existe ainsi une demande toujours forte de la part de tout type de fonds de private equity, » ajoute-t-elle.
Via une licence annuelle, les gestionnaires accèdent aux questionnaires, qu’ils envoient ensuite à tous leurs fonds et sociétés sous-jacentes, pour qu’ils les remplissent, afin d’avoir une vue d’ensemble sur tout le portefeuille.
Les abonnements incluent aussi, à la demande du client, un service de vérification, par Label-R, des processus et des politiques mis en place, ainsi qu’un service de reporting.
La solution génère aussi un rapport de gap analysis entre ce qu’ils ont et devraient avoir, avec une analyse des risques.
L’ESG pour mieux gérer le Covid
« Nous ne sommes pas un régulateur, » relativise Oriane Schoonbroodt. « Il s’agit avant tout d’aider ces gestionnaires à mettre en place et à appliquer des bonnes pratiques ».
Elle rappelle toutefois que la crise du Covid-19 et le confinement ont mis en lumière des risques sociaux, sanitaires, de sécurité, quelque peu délaissés par les entreprises.
« Ces risques, qui étaient latents ont connu une forte recrudescence durant cette période, » constate la start-uper.
« Et celles qui avaient de bons processus, de bonnes chaînes d’approvisionnements, de bons systèmes et une bonne gouvernance s’en sont sorties beaucoup mieux que les autres. Ce qui nous rappelle que l’ESG ce n’est pas que les risques environnementaux ».
Quatre ans après le lancement du projet, ne regrette-t-elle pas son idéal entrepreneurial de départ ? « Quand on lance un projet, on a souvent une démarche assez idéologique d’un marché. Et au fur et à mesure de son évolution, on s’aperçoit que la réalité est assez différente. On voudrait le faire passer du noir au blanc, et on se rend contre que ce n’est pas toujours possible », répond-elle.
« J’ai donc dû légèrement revoir à la baisse les standards du projet ainsi que la rigidité du business model, pour les adapter à l’industrie. Mais nous avons su garder une rigueur.
Toutefois, il ne faut jamais perdre de vue son idéal et amener le plus grand monde dans cette direction ».
Silicon Luxembourg, juillet 2020
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