Révolutionnant chaque jour nos modes de paiement et nos opérations bancaires, l’émergence de nouvelles techniques et outils appliqués à la finance ne datent pourtant pas d’hier.
Construit sur les termes anglais « Financial » et « Technology », le mot-valise « Fintech » remonterait selon le dictionnaire américain Merriam Webster à 1971.
L’Office Québécois de la Langue française le définit lui comme « l’ensemble des technologies numériques les plus évoluées et les plus récentes utilisées pour améliorer les services financiers et bancaires ».
Et chaque jour nous utilisons au moins deux de ces solutions : achats de crypto, paiements en ligne, transferts d’argent, prêts, conseils en ligne…
Des technologies de rupture
Toutefois les techniques innovantes facilitant et sécurisant les opérations financières ne datent pas d’hier. Selon l’Université de Barcelone, la Fintech remonterait au 19ème siècle : au premier câble transatlantique (1866) qui accélère la communication financière internationale.
Et au premier système de transfert électronique de fonds (Fedwire, 1918) basé sur le télégraphe et le Morse. Dans les années 1950, Diner’s Club et American Express généralisent les paiements électroniques grand public avec leurs cartes de crédit.
Dès 1967 les banques se lancent à leur tour dans la Fintech : avec le premier guichet automatique (banque Barclays), et la 1ère bourse numérique au monde (NASDAQ, 1971), qui révolutionne les marchés financiers en ligne.
En 1973, le réseau de communication interbancaire mondial SWIFT est créé pour faciliter le grand volume de paiements transfrontaliers.
Avec l’arrivée d’Internet dans les années 1990, le commerce électronique (1994), les solutions de paiement en ligne (PayPal, 1999) et les premiers services de banque en ligne (Sumimoto Bank 1997) émergent.
Mais la crise des subprimes de 2008 et la méfiance à l’égard du système bancaire traditionnel ouvrent la voie à une nouvelle industrie Fintech et à de nouveaux acteurs dont les start-up. Ainsi, le Bitcoin (2009), puis le boom des crypto-monnaies marquent une disruption majeure dans le monde financier.
Parallèlement, la 4G (2012) bouleverse la banque traditionnelle ; grâce à l’Internet à grande vitesse et en mode nomade, des services financiers deviennent accessibles via un smartphone : comme le portefeuille électronique (Google Wallet, 2011) ou les paiements en ligne de type Apple Pay (2014) qui bousculent les comportements.
La Fintech s’étend aussi aux pays en développement où les populations n’avaient pas accès aux structures bancaires et d’assurances physiques.
La 4ème ère Fintech démarre en 2018 : avec les technologies de rupture comme la Blockchain (2008), un grand livre de comptes électroniques utilisée pour le Bitcoin, et qui ouvre le système bancaire à d’autres acteurs et services financiers.
Ou comme les néobanques, des établissements sans agences physiques. Avec ses solutions financières simplifiées, exclusivement numériques et à frais faibles ou nuls, le modèle d’affaires remet en question la tarification et la complexité des banques ayant pignon sur rue.
Un rôle économique et sociétal
Autre disruption financière : l’intelligence artificielle, avec notamment les agents conversationnels (chatbots), qui assistent les clients dans leurs opérations ou transactions en ligne, via une messagerie vocale ou textuelle. Ou encore avec l’apprentissage automatique des machines, permettant aux banques et assurances de proposer des services et un soutien personnalisés aux clients.
La pandémie de Covid a aussi accéléré la rupture : avec l’arrivée de nouveaux fournisseurs de solutions de paiement en ligne ou sans contact. Confinés ou en respectant les distanciations sociales en magasins, les consommateurs ont pu ainsi continuer à payer leurs achats via leur smartphone.
Aujourd’hui, « Fintechs » se conjugue au pluriel : le terme ne désigne plus les solutions informatiques ou Internet ; mais les start-up et PME financières et leur écosystème.
Mc Kinsey les définit d’ailleurs comme « des sociétés de services financiers axées sur la technologie numérique (à l’exclusion des banques directes) qui ont été lancées après 2000, ont levé des fonds depuis 2010 et n’ont pas encore atteint leur maturité ».
Avec leurs services bancaires et produits financiers innovants, plus simples plus inclusifs et moins chers, elles se posent en pionnières et challengers, tout en contribuant à l’économie et à la société en général.
Dans une enquête européenne menée en 2021, McKinsey note ainsi qu’un tiers des consommateurs de Fintech interrogés avaient opté pour ces dernières, pour leur tarification meilleur marché (32%), leur facilité d’accès (32%) et la rapidité du service (30%).
Pour 22% d’entre eux, la principale raison était la qualité du service, et pour 17% la qualité des produits.
Les Fintech lancent de nouveaux produits et services beaucoup plus rapidement que les banques en place (Mc Kinsey)
« Les Fintech lancent de nouveaux produits et services beaucoup plus rapidement que les banques en place, avec un délai moyen de mise sur le marché de deux à six mois contre 12 à 18 mois pour les opérateurs historiques, » note McKinsey.
Aussi, de nombreuses banques font désormais appel aux Fintechs, pour lancer des services numériques en particulier dans les opérations et les paiements.
À la croisée des chemins
Aujourd’hui, la plupart des Fintechs sont avant tout Nord-américaines (10.755 dont 6.900 aux États-Unis). On en compte 6.270 en Asie-Pacifique, 5.000 en Europe (5.000), 4.300 au Moyen-Orient et en Afrique.
En 2017, le Luxembourg lançait la LHoFT (Luxembourg House of Financial Technology), une plateforme nationale réunissant institutions financières, FinTechs, chercheurs, universités et pouvoirs publics.
Ses missions : développer et promouvoir l’écosystème FinTech luxembourgeois, afin de stimuler le déploiement de solutions répondant aux besoins spécifiques du secteur financier.
Elle regroupe environ 200 sociétés spécialisées dans une huitaine d’activités : paiements mobiles et de monnaie électronique, conformité et réglementation financières, analyse des mégadonnées, technologies des registres distribués (Blockchain…), assurance, cybersécurité et authentification, investissements automatisés, prêts alternatifs et inclusion financière.
Quel avenir pour les Fintechs ? Le secteur semble actuellement à la croisée des chemins. Certes, des start-up matures et reconnues tirent leur épingle du jeu : tels au Luxembourg Tokeny (solutions d’investissement sous forme de jetons numériques), ou Banking Circle (services bancaires et de paiements aux commerçants).
D’autres peinent encore à proposer de véritables alternatives bancaires et financières globales. Faiblement supervisées jusque-là, elles sont soumises à des réglementations toujours plus strictes et coûteuses de la part des régulateurs visant à prévenir les fraudes et à protéger le consommateur.
Les banques, elles, parviennent difficilement à se débarrasser de leurs schémas d’affaires traditionnels. Et leurs « nouvelles offres digitales » relèvent plutôt de la numérisation de services existants (prêts étudiants en ligne, e-banking, etc.), qu’elles imposent et tarifient généreusement à leurs clients.
Les consommateurs bénéficieront-ils vraiment de cette compétition banques vs Fintechs ? De nombreuses start-up se cherchent de nouvelles sources de revenus. Mais faute de financements, elles doivent désormais monétiser leurs services autrefois gratuits, et se trouver de nouveaux débouchés.
Aussi, pour survivre et se réinventer, certaines se transforment en gestionnaires et fournisseurs de données financières, mettant ainsi leurs technologies et bases de données clients au service d’autres acteurs financiers.
Au risque, comme avec Facebook, Google ou Twitter notamment, que le consommateur ne reste plus un CLIENT, mais devienne un PRODUIT.
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