Considérée comme l’une des plus grandes voix du jazz, l’interprétation de ses chansons a été le reflet d’une vie marquée par la violence et la souffrance. Militant ouvertement contre le racisme à travers ses chants, elle est devenue une pionnière dans la lutte pour les droits civiques.

Autodidacte dans les boîtes clandestines

Née le 7 avril 1915 à Philadelphie, Eleanora Fagan connaît une enfance misérable, marquée par la drogue, la prostitution et la violence, et par un père absent très tôt du foyer familial.

À 13 ans, elle déménage avec sa mère à New York. Elle fréquente les boîtes de jazz clandestines et les bordels de Harlem et y débute comme chanteuse.

À 17 ans, elle décroche ses premiers engagements et prend le nom de Billie Holiday.

Repérée à 18 ans par un producteur, elle enregistre ses premiers titres avec le clarinettiste et chef d’orchestre Benny Goodman. Elle enchaîne alors les enregistrements, en compagnie notamment des saxophonistes Ben Webster et Lester Young, du trompettiste Roy Eldridge et du pianiste Teddy Wilson. Elle chante aux côtés de Duke Ellington.

Consécration, racisme et drogue

À 22 ans, elle intègre le big band de Count Basie, puis du clarinettiste Artie Shaw. Victime d’humiliations racistes lors des tournées, elle abandonne les grands orchestres et se consacre à une carrière soliste.

Elle connaît alors ses plus grands succès, avec des chansons comme Strange Fruit, qui dénonce le lynchage des Noirs, Lover Man, Gloomy Sunday, Good Morning Heartach, Billie’s Blues, qui deviendront ses titres les plus emblématiques.

Son interprétation de God Bless the Child, dont elle a écrit les paroles, se vend à l’époque à plus d’un million d’exemplaires.

Descente aux enfers

L’année 1946 marque le sommet de sa carrière. Elle sombre cependant dans l’alcool, la drogue et la dépression. En 1947, elle passe presque un an en prison pour possession de stupéfiants.

À sa libération, en 1948 elle chante à guichets fermés au Carnegie Hall de New York.

Ruinée, victime de violences conjugales, interdite de travail dans les salles de la ville, elle plonge encore plus dans l’alcool et l’héroïne.

Au début des années 50, le producteur Louis McKay tente de la faire sortir de la drogue et de relancer sa carrière.

Si je dois chanter comme une autre, cela ne vaut pas la peine de chanter du tout. 

Elle renoue un temps avec le succès, effectue sa première tournée en Europe en 1954, et participe au premier festival de Newport.

Son addiction à la drogue et à l’alcool la ronge et affaiblit sa voix. En 1958, Billie Holiday enregistre l’album Lady in Satin. Sa voix et sa santé se dégradent.

Elle continue néanmoins à se produire en public, et repart en tournée en Europe.

En juillet de cette même année, atteinte d’une cirrhose du foie, elle est hospitalisée à New York où elle est inculpée et menottée sur son lit pour possession de drogue.

Elle meurt à l’âge de 44 ans.

Une voix, un style, une pionnière

Dans les boîtes de jazz de Harlem, la jeune Eleanora Fagan a travaillé et développé d’instinct son style nonchalant et son rythme lent qui semble en retard sur le tempo.

Sa voix rocailleuse, la tristesse et l’intensité dramatique de son interprétation, la relation très forte et personnelle qu’elle entretenait avec ses chansons semblent refléter les circonstances dramatiques de sa propre existence.

Véritables hymnes de protestation contre le racisme, certains de ces chants ont fait d’elle une pionnière de l’activisme pour les droits civils.

ANECDOTES

Billie Holiday et le saxophoniste Lester Young ont entretenu une relation strictement platonique, chacun inspirant l’autre sur le plan musical.

Elle le surnommait « Prez », en hommage à Franklin D. Roosevelt. En retour, Lester Young lui a donné son célèbre surnom de « Lady Day ».

DISCOGRAPHIE

Billy Holiday a composé une vingtaine de chansons, enregistré 12 albums studio et trois albums live, pour le compte de six maisons de disque.

Après sa mort, la plupart de ses chansons sont tombées dans le domaine public et ont été rééditées sous forme de compilations.

BIOGRAPHIE

7 avril 1915 : naissance d’Eleanora Fagan à Philadelphie.

1930 : elle débute comme chanteuse dans les clubs de jazz d’Harlem.

1933 : découverte par John Hammond, le producteur de Columbia Records, elle enregistre ses premiers enregistrements de disques, notamment avec Benny Goodman.

1935 : elle collabore avec Teddy Wilson et chante avec Duke Ellington dans le film Symphony in Black.

1937 : elle joue avec Count Basie.

1938 : elle rejoint la formation d’Artie Shaw et devient la première artiste de couleur à jouer dans un orchestre de blancs.

1939 : elle chante Strange Fruit pour la première fois au Café Society de New York.

1941 : elle co-écrit et enregistre God Bless the Child.

1944 : elle enregistre Lover Man, écrit et grave Don’t Explain. Le magazine Esquire lui décerne le titre de meilleure interprète féminine de l’année.

1947 : elle apparaît dans le film New Orleans aux côtés de Louis Armstrong. Elle est emprisonnée durant un an pour possession de stupéfiant.

1948 : elle se produit au Carnegie Hall de New York.

1954 : première tournée européenne, et participation au premier festival de jazz de Newport (USA).

1956 : elle publie son autobiographie, Lady sings the blues,et chante à deux reprises au Carnegie Hall.

1958 : seconde tournée en Europe.

17 juillet 1959 : Billie Holiday meurt à New York.